Les veilleurs by Tim O'Rourke

Auteur:Tim O'Rourke [O'Rourke, Tim]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions AdA
Publié: 2016-01-22T05:00:00+00:00

24

J’ai attendu le veilleur dans l’obscurité et la fumée tourbillonnante. Tout comme la nuit précédente, je l’ai payé pour son aide avec les derniers francs trouvés dans ma poche. Je lui ai ouvert la barrière, et il a fait entrer le cheval et la charrette pleine de morts dans le cimetière. Une fois rendu au feu, il a laissé tomber les cadavres dans les flammes. Leurs visages ont alors commencé à se boursoufler, à se couvrir de cloques et à noircir pendant que les flammes gloutonnes les consumaient. Tout comme la nuit précédente, il y avait trop de corps pour les mettre tous en une fois dans le feu. Avec la bêche, nous les avons poussés vers le feu afin que je puisse les brûler plus tard. C’est alors que j’ai remarqué deux corps qui semblaient avoir été à moitié dévorés.

Le veilleur a attiré mon attention sur eux.

— Je pense que ces deux-là devraient vous intéresser. Ils ressemblent au corps que je vous ai emmené la nuit dernière.

Un des deux cadavres était celui d’une femme. Ce qui restait de son corps sans poils me l’apprenait. Mais l’autre était seulement un bébé. J’avais vu beaucoup d’enfants empilés sur les autres corps, mais celui-ci avait quelque chose de différent. Cet enfant n’était pas mort de la peste.

— Excusez-moi un moment, ai-je marmonné en me retournant pour vomir au pied de l’arbre le plus proche.

Le veilleur s’est caché derrière son masque, ne disant pas un mot.

Je me suis relevée en tremblant.

— Où les avez-vous trouvés ?

— Rue Castle, m’a-t-il dit.

Je ne connaissais pas l’endroit et n’avais aucune carte.

— C’est loin ?

— Assez loin, a-t-il répondu.

Même si je voulais essayer de m’y rendre, je ne pouvais quitter mon poste cette nuit-là. Que l’idée me plaise ou non, je devrais empaler ces corps. Je ne pouvais courir le risque qu’ils reviennent à la vie. Mais je devais en apprendre autant que possible du veilleur, même si je doutais qu’il sache grand-chose.

— Dans quel genre de quartier se trouve la rue Castle ? lui ai-je demandé en essayant de couvrir le bruit du feu qui crépitait et grésillait.

— Très pauvre.

Tout comme celui où l’autre fille sans nom avait été trouvée.

— Ce qui rend encore plus surprenant ce qui s’est passé, a-t-il ajouté soudainement.

— Que voulez-vous dire ?

— Qui aurait pensé que le roi pourrait s’intéresser à de pauvres malheureux comme ceux-là ? a-t-il demandé en pointant les deux corps à moitié dévorés.

— Le roi ? ai-je dit en l’observant. Qu’est-ce que le roi a à voir avec ces morts ?

— Je n’ai pas dit que le roi était impliqué, mais quelqu’un qui en est proche connaissait ces deux-là, a-t-il enchaîné en revenant sur ce qu’il venait de dire.

Je pouvais déceler une note de frayeur dans sa voix. Qui n’aurait pas été effrayé de proférer une telle accusation contre le roi d’Angleterre ?

— Que voulez-vous dire, alors ?

— Eh bien, certains des voisins ont dit avoir entendu la jeune fille crier. Mais les cris ne se sont pas répétés, alors personne n’est allé voir ce qui se passait.

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